L’Iran a choisi une réponse modérée

7:54 - April 16, 2024
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IQNA-Pour le professeur américain, John Andrew Morrow, « l’Iran a choisi une réponse modérée. Loin d’être un échec, c’est une victoire morale. L’Iran a démontré clairement que l’état sioniste est dans sa ligne de tire et que la République Islamique est prête à se défendre. »

Islamologue renommé, le professeur John Andrew Morrow est l’auteur de nombreux livres académiques, y-inclue Religion and Revolution: Spiritual and Political Islam in Ernesto Cardenal (Cambridge Scholars Publishing 2012, 2023), une œuvre qui traite de la révolution islamique d’Iran. Dans sa capacité d’analyste politique, le professeur Morrow a conseillé les dirigeants et diplomates de nombreux pays, occidentaux tant qu’orientaux, comprenant le Canada, les États-Unis, la France, la Belgique, le Pays Bas, le Royaume Unis, l’Angleterre, au tant que de nombreux états-membres de l’Organisation de la Conférence Islamique, y-inclus la République Islamique d’Iran.
Nous avons interviewé le Dr. John Andrew Morrow pour connaître ses points de vue sur la récente opération du régime sioniste contre le consulat iranien à Damas et la riposte iranienne.


IQNA-A votre avis quels sont les objectifs suivis par l’Iran au cours de l’attaque de missiles et de drones lancée contre les cibles israéliennes ?

John Andrew Morrow : Si la riposte d’Israël envers l’attaque du 7 octobre était sadique, produisant plus de trente mille morts, celle de l’Iran envers l’attaque contre son consulat à Damas, en Syrie, était symbolique. De toutes les apparences, les dirigeants politiques et militaires iraniens ont fait tout le possible pour minimiser les pertes de vies. En plus, ils ont immédiatement insisté qu’ils ont envoyé leur message, que l’attaque était finie, et qu’ils ne cherchaient pas l’escalade militaire. La balle est maintenant dans le camp israélien. Les Américains essayent de leur lier les mains. Ils veulent éviter une guerre régionale ou mondiale. Franchement, avec les milliards de dollars qu’ils gaspillent en Ukraine, se laissant saigner économiquement par les Russes qui ne semblent pas presser à avancer que pousse par pousse, les États-Unis, en pleine crise financière, n’a pas le moyen de se lancer dans une guerre de cette envergure. Son pouvoir ne cesse de diminuer. En ce qui concerne Israël, ça fait plus de soixante-quinze ans qu’il sème la terreur comme un tyran de la cour d’école. C’est facile de planter des petits. Maintenant, il y a un grand, l’Iran, qui est entré dans la cour de récréation et il vient de lui donner un coup de poing en plein nez. Le tyran de la cour d’école est seul. Tous les petits le détestent et l’encerclent. Ses seuls amis ou complices dirigent d’autres écoles outremer. Au lieu de se faire des amis, il s’est fait des ennemis. Ce qu’il a semé, il est en train de récolter. Ce n’est plus le temps de faire la paix. C’est le temps de faire la guerre ou de faire ses valises. Retourner d’où vous venez. Vous avez brulé tous les ponts. Votre dieu de guerre, qui vous a choisi, vous a abandonné encore une fois. Cherchez donc le Dieu d’amour. Celui qui vit par l’épée meurt par l’épée. Souvenez-vous de celui qui vous a enseigné ? 

L’Iran a choisi une réponse modérée

Que pensez-vous de ce type d’attaque, qui met en danger la sécurité des sionistes ?

Peu d’analystes politiques et militaires croyaient que l’Iran attaquera directement Israël. C’était trop risqué pour la République Islamique. L’Iran risquait une réponse démesurée et démoniaque. On craignait même l'anéantissement nucléaire et le début même de la Troisième Guerre Mondiale entre le bloc occidental, les États-Unis et l’Europe, et le bloc oriental, la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l’Iran et le monde non-blanc et musulman. L’Iran, selon certains, faisait plus de bruit que de mal. Ses paroles et ses menaces étaient vides. C’est-à-dire, la République Islamique ne joignait pas le geste à la parole. En autres mots, grands parleurs petits faiseurs. En conséquence, la plupart d’analystes politiques et militaires pensaient que l’Iran visera des intérêts israéliens de façon indirecte en utilisant leurs mandataires, notamment, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, ou des loups solitaires opérant pour le compte des services d’intelligence iraniens ou des Gardiens de la Revolution. Une ambassade israélienne ou un consulat en Europe, en Afrique, en Asie, ou dans les Amériques ? Œil pour œil c’était la réponse la plus probable. L’Iran a choisi une réponse modérée. Loin d’être un échec, c’est une victoire morale. L’Iran a démontré clairement que l’état sioniste est dans sa ligne de tire et que la République Islamique est prête à se défendre.

Est-ce que cette opération peut-elle peser sur le cabinet Netanyahou ?

L’objectif de Netanyahou était d’expulser les Palestiniens de Gaza, de les déporter et des expatrier, en les envoyant en Occident, au Canada en particulier, un pays qui est déjà envahi par des millions et millions d’immigrés, et qui en souffre terriblement les conséquences. Peu à peu, explique les analystes politiques conservateurs, l’Occident se réveille et refuse de se soumettre aux plans des sionistes globalistes, leur génocide des blancs chrétiens, et leur Grand Remplacement. Ainsi s’explique la montée de la droite en Occident. On parle de reconquête. Délusoire comme toujours, et fanatique dans son sionisme, Netanyahou voulait vider Gaza de toute présence palestinienne. S’il avait réussi, la prochaine étape serait de forcer les Palestiniens d’abandonner la Cisjordanie. Un état palestinien ? Il n’en ait même pas question ! Un seul état laïque, démocratique, et pluraliste ? Jamais de vie. C’est impensable pour les sionistes purs et durs. Selon de nombreux chercheurs et de spécialistes en études religieuses, quand on adore Yahou, le Dieu des Tempêtes et de la Guerre, la paix est impensable. On est belliqueux par profession religieuse. On commet le génocide comme le « dieu » biblique de l’Ancien Testament. En revanche, quand on adore Allah, le Miséricordieux, on est encouragé d’agir avec compassion.

Si Netanyahou proposait une « Solution Finale » radicale et sans merci, il a raté. S’il envisageait d’exterminer les combattants du Hamas, il a échoué également. Selon ses sources, le Hamas était composé de trente mille hommes. Pour chaque combattant tué, les Israéliens ont tué deux civiles, quatre-vingts pour cent desquelles sont des femmes et des enfants. Même si on assume que les combattants du Hamas ont massacré mille cinq cents personnes, y compris des femmes, des enfants, et des hommes civils sans armes, et qu’ils ont commis des violations et des mutilations, la réaction de la part des Israéliens est complément démesurée ! C’est hors proportion ! Ça constitue des crimes de guerres ! Si quelqu’un te donne une gifle, tu n’as pas le droit de lui couper la tête et de tuer toute sa famille.

En Occident, on présente les Israéliens comme des victimes innocentes. On prétend que les attaques des Palestiniens se produisent sans provocation. L’occupation et l’oppression c’est la provocation. On lamente l’attaque du 7 octobre sans prendre compte les décennies d’horreurs commis envers les Palestiniens. 700,000 palestiniens expulsés de leurs terres natales et ancestrales en 1948, ce n’est pas une chose du passé. Le terrorisme des groupes Irgoun et Haganah ne s’oublient pas. La création et l’existence de l’état d’Israël a été un cauchemar pour le peuple palestinien et une source d’humiliation pour le monde musulman.

Si les forces de « défense » israélienne, ou plutôt, les forces d’occupation et de répression, ont liquidé dix à quinze mille combattants palestiniens, ce n’est qu’un tiers ou un demi. Il faudrait tuer trente mille êtres humains palestiniens de plus pour en finir avec le Hamas. Mais ils ne finiront jamais. Au contraire, les atrocités des Israéliens ne font que créer des centaines de millier de nouveaux moudjahidines et de fedayines. Maintenant il n’y a point de palestiniens qui n’ont pas perdu des proches grâces aux massacres israéliens. Plus que jamais, ils vont vouloir se venger. C’est la chose la plus naturelle au monde. Les Israéliens encourent le courroux mondain et divin.

Souvenons-nous que de nombreux analystes considèrent que le Hamas est la création du Mossad et que l’attaque du 7 octobre était une opération de fausse bannière pour donner les Israéliens un prétexte pour saisir la Bande de Gaza et de se débarrasser de sa population palestinienne. Soyons ouverts. Examinons les faits. En ce qui concerne Netanyahou, sa situation politique était fragile. L’attaque et l’invasion de la Bande de Gaza visait à renforcer son pouvoir. L’échec de sa mission le place dans une position même plus précaire. Son avenir politique, et même l’avenir de l’entité sioniste, dépend de ses décisions. Comment va-t-il répondre à l’attaque de l’Iran ?

Quelle sera la réaction des milieux internationaux vis-à-vis de cette opération ?

Attaquer une ambassade ou un consulat est interdit selon le droit international. La communauté internationale a condamné les Israéliens pour leurs actions irresponsables et criminelles. Les dirigeants iraniens ont surement débattu leurs options. Devons-nous répondre à un mal avec un autre mal ? Une ambassade pour une ambassade ? L’Iran serait condamné par la communauté internationale. Non, ils ont décidé. L’attaque israélienne contre l’ambassade iranienne constitue un crime de guerre qui mérite une réponse militaire claire et nette. Comme l’imam Khamenei m’a expliqué un jour, il faut toujours s’efforcer à prendre une décision qui fait le plus de bien et le moins de mal. C’est carrément la décision qui a été prise. L’Iran devait répondre à l’agression israélienne, de façon symbolique, sans chercher une confrontation militaire ou une guerre a pleine échelle.  « Si tu me cherches, » averti l’Iran, « tu me trouveras. » Les puissances mondiales peuvent dénoncer l’opération iranienne tout ce qu’ils veulent. Leurs paroles ont de moins en moins de poids. Elles sont vides. L’opération militaire iranienne était sans précèdent. Elle marque la montée d’un monde multipolaire. Le nationalisme remplace le globalisme. Chaque pays doit être souverain et contrôler son destin. Non au colonialisme et a l’impérialisme. Oui à l’indépendance, l’amitié, et la coopération entre les nations

Quel impact cette attaque peut-elle laisser sur la situation à Gaza ?

L’entité sioniste doit comprendre qu’elle n’est pas intouchable et invulnérable et que la patience stratégique a ses limites. L’Iran a établis ses lignes rouges dans le sable. Croissez-les a votre péril.

Par Parvaneh Javan

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